PIB

L'économie japonaise a enregistré une performance très  décevante au 4ème  trimestre 2019 en lien avec certains évènements exceptionnels. Il existe de nombreux foyers d’inquiétude à l'heure actuelle, tant à l’échelle internationale que nationale. Des répercussions de l’épidémie du coronavirus sur l'économie sont également à redouter.

I. Une performance du Japon très décevante au 4ème trimestre 2019, au plus bas depuis 5 ans

L’économie nippone, pourtant résiliente sur les 3 premiers trimestres de 2019 (en moyenne 0,5% en rythme trimestriel), a enregistré une performance très dégradée au quatrième trimestre : -1,6% en rythme trimestriel (contre -0,9% anticipé par les analystes). Ce mauvais chiffre du PIB se couple à une révision à la baisse du 3ème  trimestre de +0,4% à +0,1% in fine.

  • La consommation des ménages (54% du PIB) a été, de loin, le principal responsable de la contraction de l’activité au quatrième trimestre, avec une contribution négative à la croissance à hauteur de 1,6 point. La chute de la consommation entre octobre et décembre a été particulièrement importante : -2,9% en rythme trimestriel.
  • L’investissement privé (19% du PIB) a également apporté une contribution négative sur le trimestre, aussi bien sur les investissements non résidentiels (-0,6 point) que sur les investissements résidentiels  (-0,1 point).
  • La consommation publique et les investissements publics (25% du PIB) ont apporté une contribution légèrement positive (+0,1 point), en partie grâce au programme public de reconstruction et de renforcement des infrastructures suite aux catastrophes naturelles.
  • Le commerce extérieur  (importations retranchées des exportations) soutient à hauteur de +0,5 point la croissance du trimestre. Cette contribution positive est toutefois à relativiser car imputable à une baisse importante des importations (-2,6% sur le trimestre tandis que les exportations sont affichées presque stables à -0,1%).
  • La variation de stock contribue pour +0,1 point à la croissance trimestrielle.

Ce mauvais trimestre vient contrebalancer les bonnes performances, inattendues, du début de l’année 2019. Au final,  la croissance en 2019 est estimée à +0,7%, un niveau finalement correct après la performance 2018 (+0,3% - révisée à la baisse fin 2019) mais très en deçà des performances de l’année 2017 (+2,2%).

II. Une performance pénalisée par des événements exceptionnels

La performance très décevante enregistrée par le Japon au 4ème trimestre 2019 s’explique en partie par le passage sur l’archipel du typhon Hagibis mi-octobre, qui avait causé d’énormes dégâts humains et matériels. L’association des assureurs japonais a communiqué fin 2019 sur le recensement de 290 329 sinistres pour des dégâts matériels estimés à 396 trillions Yen (3 milliards €). Le typhon a particulièrement touché la région de Nagano.

La mauvaise performance du 4ème trimestre 2019 s’explique également par le contrecoup de la hausse de TVA intervenue le 1er octobre dernier. Les anticipations d’achats par les ménages ont clairement dopé les ventes de détail du 3ème trimestre (+9,1% en septembre 2019 comparativement à septembre 2018), mais avec un contrecoup majeur en dépit de mesures d’accompagnement prévues par le gouvernement pour éviter le choc récessif : -7,2% en rythme annuel en octobre 2019, -2,1% en novembre 2019 et -2,6% en décembre 2020. Les mois à venir seront cruciaux pour apprécier l’éventuel effet récessif de cette hausse de TVA (pour mémoire, le relèvement de la TVA en avril 2014 avait coûté 1,9 point de croissance).

III. Plusieurs foyers d’inquiétudes économiques

Depuis mi-2018, les chefs d’entreprises japonais se montrent moins confiants, plus particulièrement dans l’industrie, qui représente 28% du PIB nippon. Les tensions commerciales, le ralentissement de la croissance chinoise et le retournement du cycle des semi-conducteurs ont percuté les exportations japonaises : les exportations japonaises vers l’Asie affichent une baisse depuis le 2ème trimestre de l’année 2018 tandis que les exportations vers les Etats-Unis ont commencé à décélérer à l’été 2019. De nombreux secteurs industriels sont touchés au-delà des semi-conducteurs : machines-outils et équipements de transports. En global sur l’année 2019, les exportations japonaises, qui représentent 18% du PIB du pays, ont baissé de 5,6% (dont -7,6% en Chine et -12,9% en Corée du Sud) et le Japon  a enregistré pour la 2ème année d’affilée un déficit commercial à 13Mds€, en détérioration de 3,5Mds€ sur un an. Ces craintes ont semble-t-il affecté les investissements des entreprises nippones : l’investissement privé non résidentiel, résistant ces derniers trimestres, accuse un recul de 0,6% au 4ème trimestre 2019.

En sus des craintes liées aux tensions commerciales, le Japon fait face, depuis la hausse de TVA intervenue le 1er octobre 2019, à une fébrilité de la consommation privée. Depuis cette hausse, la consommation des ménages n’a pas retrouvé son rythme de croisière précédent, affichant une baisse de 2,6% en rythme annuel sur décembre 2019. Cette situation alimente la crainte d’un changement profond de comportement du consommateur nippon, dont la confiance est au plus bas depuis 5 ans. Les craintes sont d’autant plus vives que la consommation privée a été un moteur de la croissance japonaise sur le 1er semestre 2019 permettant de contrebalancer l’effet récessif de la demande extérieure.

IV. Un risque de récession amplifié par l’épidémie de coronavirus

Les craintes d’un ralentissement se sont encore accentuées avec l’épidémie de coronavirus, qui affecte ou est susceptible de toucher l’économie nippone via quatre canaux :

  1. la perte des touristes chinois (30% des visiteurs étrangers au Japon et 40% des recettes touristiques), qui aura un impact sur la balance des services ;
  2. la baisse de la demande chinoise, susceptible de freiner encore davantage les exportations nippones vers la Chine (20% des débouchés nippons à l’export) ;
  3. le risque de rupture dans les chaînes d’approvisionnement (la Chine pèse pour 23% des importations japonaises) ;
  4. enfin, un nouveau recul de la confiance des ménages japonais, qui pourrait toucher la consommation privée.

Le gouvernement vient tout juste d’annoncer un plan d’appui aux entreprises (qu’il chiffre à 500 Mds Yen de prêts et garanties, à destination notamment des PME). Une 1ère analyse de Nomura, qui compare les effets de cette épidémie à celle du SRAS en 2003, table sur une baisse du PIB nippon de l’ordre de 0,1pt de PIB en 2020 ; une autre évaluation menée par Crédit Agricole, qui appelle à intégrer davantage l’évolution profonde de la place de l’économie chinoise dans les flux mondiaux depuis le SRAS, évoque une perte de 0,3pt de PIB pour le Japon (0,2 pour la zone Euro). Ces estimations restent en tout état de causes aléatoires en l’absence d’informations sur l’évolution et la durée de l’épidémie.

Les informations présentées dans ce point d'actualité sont identifiées par le SER de Tokyo. Elles n'ont aucune vocation d'exhaustivité. L'illustration de l'article est extraite du site Pixabay.

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