Japon

L'année 2019, durant laquelle le Japon a exercé la Présidence du G20, a été marquée en interne par les principaux faits saillants suivants dans le domaine économique :

1. Le policy mix économique donne la part belle à la politique budgétaire en dépit d'une dette et d'un déficit publics interne élevés.

* Un nouveau niveau record de dépenses publiques: alors que le Japon pâtit d'une dette (240% du PIB) et d'un déficit (environ 4% du PIB) publics élevés, le budget fiscal 2019/2020 a entériné des dépenses exceptionnellement élevées - 101 457 Mds¥ de dépenses (+4%), soit 845Mds€. Alors que la croissance s'est montrée plus résiliente que prévu (environ 0,5% en moyenne par trimestre sur les 3 premiers trimestres et 0,9% attendu sur l'année fiscale), le gouvernement a, en décembre 2019, décidé, dans un contexte d'incertitudes, de renforcer sa politique budgétaire expansionniste en annonçant un énième plan de relance sur 15 mois : 26 000 Mds ¥ (~215Mds€), dont d’importants investissements publics (~110 Mds €). Le gouvernement entend doper une croissance en berne (quasiment divisée par 2 entre 2017 et 2018 ou 2019) pour consolider in fine les recettes fiscales.

* Un statu-quo monétaire en dépit de résultats toujours décevants sur le front de l’inflation: l’inflation « core » (indice hors produits frais suivi par la Banque du Japon) a oscillé entre +0,2% et +0,9% en 2019, un niveau bien en-dessous de l’objectif de 2%, fixé de longue date mais jamais atteint jusqu'ici. Certains économistes anticipaient de nouvelles mesures d’assouplissement monétaire mais la résilience de la croissance sur les 3 premiers trimestres 2019 et la volonté de conserver quelques marges de manœuvre, en cas de choc économique, ont poussé la BoJ au statu-quo. Fondamentalement, la BoJ fait face à de vives critiques sur les effets indésirables d’une politique monétaire ultra accommodante dans la durée et qui semble avoir atteint ses limites, poussant le gouvernement à actionner davantage l'outil budgétaire.

* Après moult hésitations, une taxe à la consommation relevée de 8 à 10 % le 1er octobre 2019: cette décision, reportée à deux reprises, répond au besoin de rétablir l’équilibre budgétaire à moyen terme et de financer certaines mesures sociales, ciblées sur la gratuité de l’éducation infantile. Le FMI préconise d’augmenter cette taxe jusqu’à 15% d’ici 2030. Cette première hausse a été précédée d'un boom de la consommation des ménages, dont les dépenses ont augmenté de 9,5% sur un an en septembre puis diminué de 5% en octobre. Il est difficile de préjuger de l'évolution à moyen terme de la consommation mais la baisse observée jusqu'ici a été moins forte que celle consécutive à la première hausse de TVA pratiquée en 2014.

2. L’ouverture sur l'extérieur, objectif officiel des Abenomics, se confirme en dépit de quelques mouvements en arrière.

* L'entrée en vigueur de l’accord commercial UE-Japon le 1er février 2019: couvrant 36% du commerce mondial, 28% du PIB mondial et 640 millions de personnes, cet accord permettra à terme l’élimination des droits de douane sur la quasi-totalité du commerce bilatéral. Sur les dix premiers mois 2019, l’évolution des exportations françaises vers le Japon est très positive (+20%), notamment dans le secteur agroalimentaire (+10%) mais cette belle performance doit être relativisée au vu du poids des livraisons Airbus cette année (+120%). Il conviendra d'être vigilant sur l'évolution du volet non tarifaire (pratiques de contrôle plus flexibles relatives à l'origine des produits; évolution des normes japonaises vers des standards internationaux; ouverture des marchés publics locaux...).

* Conclusion d’un accord commercial préliminaire avec les États-Unis: face aux menaces américaines d’augmentation des tarifs douaniers sur l’automobile japonais, un accord commercial a été trouvé à Biarritz avant d’être ratifié et entré en vigueur le 1er janvier 2020. Il a pour principal effet d’ouvrir l’archipel aux produits agricoles américains tels que le vin et le fromage. Le secteur automobile est, comme anticipé, le grand absent de l’accord. Le véritable enjeu réside dans la négociation d'un 2ème volet de l'accord dont les discussions pourraient démarrer courant mai 2020.

* La vive détérioration des relations avec la Corée du Sud: les relations entre les deux pays, tendues de longue date, se sont détériorées suite à la mise en place par le Japon d'un régime de contrôle des exportations sur trois matériaux sensibles (photorésines, fluorure d’hydrogène et polyamides fluorés) mais utilisés principalement dans l’industrie des nouvelles technologies (semi-conducteurs notamment). Cette décision a été suivie du retrait par le Japon puis la Corée de leurs « listes blanches » respectives de partenaires de confiance. L’escalade s’est traduite par un boycott très suivi des produits japonais en Corée et d’une baisse marquée des touristes au 3ème trimestre (-40% sur un total de visiteurs coréens qui représentait jusqu'alors près d'1/4 des touristes au Japon).

* Un renforcement du contrôle sur les investissements étrangers: le gouvernement Abe, dans un contexte de méfiance vis à vis de la Chine mais aussi de crainte vis à vis des fonds activistes, a décidé en octobre de réviser la législation afférente au contrôle des investissements étrangers, via l’abaissement de 10% à 1% du seuil de prise de participation étrangère dans des entreprises opérant sur des secteurs sensibles. Le nouveau dispositif suscite une vive incompréhension des gestionnaires d’actifs étrangers implantés au Japon.

3. Les marchés financiers affichent une belle performance dans un contexte pourtant marqué par une forte volatilité

* Une belle performance du marché actions japonais (+18% sur l’année 2019): l’indice Nikkei a clôturé le 30 décembre 2019 à 23 656,62 points, son plus haut niveau depuis 1990. Si le début d’année a été marqué sur les marchés financiers par des craintes d’un ralentissement économique dans le monde, sur fond de tensions commerciales entre la Chine les Etats-Unis, la situation s’est améliorée en été, les marchés ayant favorablement réagi à la décision de la FED de baisser ses taux directeurs. La performance boursière doit être relativisée au regard de la chute des indices observés sur 2018 (-12%) et du plus haut niveau historique du Nikkei (38 915,87 points) en décembre 1989).

* Une année 2019 volatile pour le Yen, avec un épisode de flash-event dès le 3 janvier 2019, puis un plus haut à 105 ¥ pour 1$ et un plus bas à 112¥ pour 1$. La montée de l’aversion au risque aura été le principal facteur haussier pour la devise nippone, qui bénéficie toujours autant du statut de valeur refuge. Les autorités sont restées vigilantes quant au risque de volatilité et d’appréciation du yen. L’appréciation du yen est jugée néfaste à l’économie japonaise : un yen fort pénalise les exportations nippones, dilue les efforts de reflation de l’économie via le canal des importations mais surtout pénalise le solde des revenus financiers du pays.

* Une forte baisse des rendements ultra-longs sur l’année 2019: longtemps proche de 1% le rendement des obligations d’État japonais à 30 ans a connu un plus bas niveau à +0,16% fin août avant de se reprendre à +0,40% en fin d’année 2019. Cette baisse des rendements ultra-longs pénalisera la rentabilité future des assureurs-vie et du fonds de pension nippons. Le puissant fonds de pension public GPIF (1500Mds USD d'actifs) a d’ailleurs affiché courant 2019 sa volonté de diminuer de nouveau son exposition à l’obligataire nippon, insuffisamment rémunérateur.

* Un durcissement de la réglementation sur les cryptoactifs: dès 2020, le Japon ne reconnaitra plus le terme de cryptomonnaie et fera référence aux cryptoactifs uniquement. Les contrôles seront renforcés en matière de traçabilité du client et d’information sur les risques. Le traitement des cryptoactifs était l’une des priorités du G20. L’objectif était de favoriser l’innovation financière, une opportunité pour l’inclusion financière, tout en limitant les risques liés à ces nouvelles technologies.

Le Japon aborde l'année 2020 avec un peu plus d'optimisme, avec de larges espoirs portés par le vaste plan de relance engagé par le gouvernement en fin d'année (+1,4% en cumul de croissance attendue entre l'exercice fiscal 2019/2020 et l'exercice fiscal 2021/2022) et par la perspective des retombées touristiques directement liées à l’organisation des Jeux Olympiques (jusqu’à 10 millions de visiteurs -dont 625 000 étrangers- attendus sur les 5 semaines des épreuves, entre fin juillet et début septembre). Les principaux risques à court-terme portent cependant sur la vitesse de rétablissement de la consommation privée suite à la hausse de la TVA ainsi que l'impact des tensions internationales sur une économie traditionnellement tirée par les exportations. À plus long terme, les mêmes questionnements demeurent sur les difficultés du gouvernement à s'engager dans des réformes structurelles de substance, à la hauteur des enjeux du vieillissement et de la réduction (- 400 000 personnes par an) de sa population.

Les informations présentées dans ce point d'actualité sont identifiées par le SER de Tokyo. Elles n'ont aucune vocation d'exhaustivité. L'illustration de l'article est issue du site Pixabay.

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