Les autorités japonaises se préoccupent fortement du déclin démographique de l’archipel. Le Gouvernement étudie chaque levier permettant de minorer l’impact négatif du vieillissement et du déclin démographique.

 Les autorités japonaises se préoccupent fortement du déclin démographique de l’archipel associé à un vieillissement accéléré. Les conséquences sur l’économie sont jugées négatives. Le PIB risquerait de reculer, l’investissement dans l’archipel pourrait être compromis, le déficit budgétaire s’aggraverait entraînant une déstabilisation du système de santé et de retraites, la dette publique déjà très élevée (238% du PIB) pourrait devenir insoutenable. Par ailleurs, la politique monétaire pourrait perdre en efficacité et le système financier serait fortement fragilisé, en particulier les banques régionales japonaises. Le Gouvernement étudie chaque levier permettant de minorer l’impact négatif du vieillissement et du déclin démographique.

 

1)      Constat d’un vieillissement accéléré et d’un déclin démographique au Japon

La population active du Japon diminue depuis 1995, à l’instar de nombreux pays développés. La singularité du Japon provient de son déclin démographique : la population totale du Japon ne cesse de diminuer depuis 2007 et cette baisse va s’accélérer dans les 30 prochaines années. 

Après un pic à 128 millions d’habitants en 2007, la population nippone s’élève désormais à 126 millions d’habitants. Dans un siècle, le Japon devrait compter 50 millions d’habitants seulement. Le vieillissement et le déclin démographique pèsent déjà sur le système de santé et de retraite, la croissance, l’équilibre budgétaire et donc la dette. En 2050, les plus de 65 ans représenteront près de 40% de la population contre 28% en 2018. Le déficit public du pays pourrait dépasser les 15% du PIB, la dette publique dépasserait les 600% du PIB d’après les recherches du professeur Sagiri KITAO de l’Université de Tokyo (https://sites.google.com/site/sagirikitao/)

pyramide des âges au Japon

2)     L’impact macro-économique du vieillissement de la population : un recul certain du PIB, une évolution incertaine de l’épargne et l’investissement.

Le vieillissement de la population pèsera sur le PIB global du pays, sous l’effet d’une baisse de l’offre de travail, qui réduira la croissance potentielle. Le déclin démographique, quant à lui, pèsera inéluctablement sur la demande domestique.

Le vieillissement de la population pourrait également affecter l’équilibre entre épargne et investissement. Le plus souvent, le vieillissement de la population est associé à une baisse de l’épargne privée. Pour autant, plusieurs économistes, qui se sont exprimés lors d’un symposium en marge du G20 Finances suppléants, considèrent qu’un mouvement inverse pourrait être observé, à savoir une hausse de l’épargne.

La démographie pèsera également sur les perspectives d’investissements domestiques, incitant les entreprises à se développer sur des marchés étrangers plus dynamiques. Par ailleurs, le manque de main d’œuvre réduit théoriquement l’investissement. Ce point, toutefois, n'est pas davantage consensuel : dans l'histoire récente du Japon, la pénurie de main d’œuvre a provoqué une hausse de l’investissement (automatisation et rationalisation des postes de travail).

3)   L'impact sur la politique budgétaire : une aggravation du déficit public

La baisse du PIB du pays aura un effet baissier immédiat sur les recettes fiscales du pays. La hausse de la TVA prévue dès octobre 2019 (augmentation de 8 à 10%) est envisagée en ce sens pour réduire le déficit public nippon.

Le vieillissement de la population aura un effet négatif sur les recettes du système de santé (moindres cotisations payées par moins d’actifs) et un effet inflationniste sur les dépenses de santé. Il met clairement en péril la soutenabilité du système actuel dont le principe repose sur une participation de l’assuré aux frais de santé dégressive selon l’âge. (10% pour les plus de 75 ans, 20% pour les plus de 65 ans contre 30% pour les actifs).

La soutenabilité du système de répartition des retraites est également en jeu. Le Japon a déjà fait évoluer son système de retraite (augmentation des cotisations, mécanisme de sous-indexation des retraites, recul de l’âge de la retraite (65 ans pour le pilier 1 et 2, obligation de l’employeur de proposer un poste jusqu’à 65 ans, alignement du régime de base des fonctionnaires sur le régime obligatoire des salariés...). Pour autant, il ne pourra pas faire face à une diminution accélérée des actifs cotisants et à une augmentation du nombre de retraités. Sans nouvelles réformes, les actifs du fonds de pension public japonais, le GPIF, qui s’élèvent actuellement à 1 250 milliards d’euros, seraient totalement consommés en 2055, d’après les travaux effectués par Sagiri KITAO.

De plus, toute réforme du système de retraite et de santé exercera tôt ou tard un impact sur le revenu des ménages et donc sur leur consommation, avec un effet induit négatif sur le PIB, comme sur leur épargne et sur le solde courant.

4)  Une moindre efficacité de la politique monétaire et un système financier fragilisé

La grande majorité des économistes considère que le vieillissement de la population va tirer à la baisse les taux d’intérêt de long terme. La baisse de la population active, en augmentant le ratio capital/travail, tirera à la baisse la productivité marginale du capital et donc les taux d’intérêt réels. Cet effet, accompagné du ralentissement de la croissance potentielle, pèsera sur le taux d’intérêt naturel et donc sur l’efficacité de la politique monétaire qui reste contrainte par la borne zéro des taux d’intérêt (transmission imparfaite des taux d'intérêt négatifs par le canal des prêts bancaires).

Dans ce contexte, les banques commerciales souffriraient d’une part d’une baisse des volumes de prêts, donc d’une concurrence accrue sur un marché domestique en déclin, d’autre part, de marges d’intermédiation étroites.

Cette double contrainte pèse déjà sur le résultat des banques régionales (qui représentent 1/3 du total des dépôts et des crédits au Japon) : elle les a incité à se diversifier et à prendre des risques y compris sur de l’immobilier en province et sur des actifs internationaux. Les autorités de contrôle nippones craignent une maîtrise imparfaite de cette stratégie de diversification. De plus, la désertification des campagnes accélère la baisse des ressources des banques régionales : les sorties des contrats d’assurance vie se font, en grande majorité, sous forme de capital au profit d’héritiers urbains, et l'augmentation du nombre de logements vacants dans les régions diminue la valeur du collatéral des prêts immobiliers.

 5)     Des solutions existent pour minorer l’impact négatif du vieillissement et du déclin de la population japonaise, parmi lesquelles :

L’augmentation de la productivité (42,1US$ PIB/heure travaillée en 2018 soit 19ème dans l’OCDE, contre 61,5 US$ pour la France) et de la participation au travail (77% pour les 15 à 64 ans, dont 71,3% pour les femmes japonaises).

Le soutien à une politique axée sur l’innovation, l’intelligence artificielle et l’internet des objets pour parvenir à une meilleure allocation de la ressource travail, contrebalancer le manque de facteur travail, et créer de nouveaux débouchés bénéfiques à l’économie : soins aux personnes âgées, nouveaux services pour les banques / assurances / fonds de pension, produits avec rendement amélioré et capital garanti rapidement.

Le recours à l'immigration et un nouveau recul de l'âge de départ à la retraite : comme le rappelle Toshitaka Sekine (économiste à la Banque du Japon) un homme de 65 ans en 1970 équivaut à un homme de 77 ans en 2016.

La participation des femmes au travail dans des emplois à temps plein aurait un très fort effet de levier : selon Sagiri KITAO de l’Université de Tokyo, le scénario le plus favorable serait observé si les femmes travaillaient et gagnaient autant que les hommes.

 

 

Face au déclin et au vieillissement démographique, l’augmentation de la productivité et de la participation au travail apparaissent comme les axes de politique économique susceptibles d'avoir le plus d'impact pour redynamiser la croissance potentielle du Japon (aujourd'hui cantonnée à 0,85%, contre 4% dans les années 1990). La réduction des inégalités de salaires et de participation au travail hommes / femmes présenterait l'un des effets les plus bénéfiques, ce qui conforte la politique du" work style reform" et la « révolution des ressources humaines » prônée dans le cadre des Abenomics en faveur d'un traitement équitable des salariés "equal pay for equal work" et d'une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie privée.

 

Personnes âgées au Japon