Table ronde sur la blockchain organisée par le régulateur financier japonais.
Le pôle économique et financier du Service Economique Régional a assisté les 27 et 28 mars 2019 à Tokyo à une table ronde internationale sur la « blockchain », sous l’égide du régulateur financier – Japanese Financial Services Agency (JFSA). De nombreux régulateurs et banques centrales étaient représentés (Abu Dhabi, Dubai, Hong Kong, Singapour, Allemagne, France, Grande Bretagne, Australie, Japon) ainsi que le Financial Stability Board (FSB), l’OCDE et le FMI, aux côtés de personnalités académiques et des représentants de l’industrie de la blockchain (ingénieurs et entrepreneurs du secteur).
L’engouement du Japon pour les cryptoactifs
Le Japon est devenu le plus grand marché de crypto actifs au monde. En mars 2019, on estime que plus de 40 % des transactions mondiales en bitcoins sont libellées en yen, 30% en dollar, 10% en won coréens et 10% en euros (Source : jpbitcoin). Quelques 20 plateformes d’échanges sont enregistrées auprès de la JFSA.
Les raisons d’un tel engouement sont multiples. La loi japonaise a reconnu le bitcoin et d'autres crypto actifs comme moyens de paiement légaux au printemps 2017, au moment même où la Chine décidait la fermeture de plateformes d’échange de crypto actifs. Cette évolution législative a favorisé la naissance d’un écosystème nippon pour répondre à l’engouement japonais et asiatique. Plus de 3,5 millions de japonais ont un portefeuille de crypto actifs selon la JFSA, principalement des jeunes japonais déjà initiés aux opérations à risque sur le marché des changes via des plateformes électroniques.
2018, une année marquée par un vol de crypto-actifs de 600 millions USD au Japon
Deux vols très importants ont été déplorés au Japon en 2018 : un vol de 530 millions USD suite à une attaque de la plateforme Coincheck et un vol de 60 millions USD sur la plateforme Zaif. Au niveau mondial, les vols de crypto-actifs ont été multipliés par 3,5 en 2018 pour un montant total de 900 millions USD. A l’occasion du séminaire, la JFSA a détaillé le vol opéré sur la plateforme Zaif. Le constat n’est pas nouveau au Japon : trop de plateformes d’échange de crypto actifs ne respectent pas des points pourtant fondamentaux de sécurité (mot de passe à 4 chiffres seulement, aucun système de double identification). L’enquête judiciaire du vol sur la plateforme Zaif n’est pas achevée. Il est difficile de tracer la chaîne des opérations frauduleuses car plusieurs techniques sont utilisées pour brouiller les pistes : techniques de routage en oignon pour rendre anonymes les connexions internet, échanges "crypto contre crypto" (qui permettent de convertir des crypto-actifs reposant sur des blockchains traçables en des cryptoactifs reposant sur des blockchains intraçables et 100% anonymes).
Le traitement des crypto-actifs au rang des priorités de la Présidence japonaise du G20.
L’objectif japonais est clairement de favoriser l’innovation financière, source de nombreuses opportunités, tout en limitant les risques liés aux nouvelles technologies. Le Japon, à l’instar de la France, privilégie une coopération internationale sur la régulation des actifs financiers reposant sur la blockchain : cette dernière représente en effet une rupture technologique majeure qui, au-delà du seul phénomène de digitalisation, transforme l’architecture de l’écosystème financier. Le système n’a pas besoin de banques ni d’intermédiaires financiers traditionnels. Il permet de transférer, d’enregistrer et de prouver la propriété de valeurs numériques sans avoir à faire appel à une tierce personne de confiance. Qui plus est, cette technologie totalement décentralisée ne connait pas de frontières.
À l'échelle internationale, le développement des crypto-actifs est une tendance lourde qu’il convient d’accompagner via un encadrement propice à son essor dans un cadre plus sécurisé qu’aujourd’hui. L’objectif de la présidence japonaise du G20, sous la filière "Finance", est donc d’aborder les enjeux réglementaires (intégrité du marché des crypto-actifs, lutte anti-blanchiment d’argent, protection des consommateurs, stabilité financière etc.)
Des opportunités offertes par la blockchain bien au-delà de la sphère financière
La blockchain offre des opportunités énormes dans les chaînes logistiques : traçabilité alimentaire tout au long de la chaîne d’approvisionnement, traçabilité pharmaceutique, transport maritime, commerce international, registre de matières précieuses, registre foncier … la blockchain permet de gagner en transparence et en fiabilité.
Son efficience n'en reste pas moins perfectible. Son empreinte environnementale est très lourde au regard de la complexité grandissantes des calculs. Pour valider une seule opération en crypto-actif, la consommation d’électricité était estimée en décembre 2017 à 215 kWh, l’équivalent de six mois de travail sur un ordinateur allumé jour et nuit, soit un coût énergétique qui ne fait que croître à mesure que le réseau de validation des opérations s'élargit. (Source Banque de France, mars 2018). La blockchain doit également gagner en "scabilité" (faculté d’adaptation à des volumes grandissants, tout en conservant les différentes fonctionnalités).