Le commerce extérieur du Japon : la robustesse des exportations permet le maintien d’un excédent commercial des biens de 23 Mds € en 2017

 

Sur l’année 2017, les exportations japonaises en valeur ont augmenté de 12%, soit légèrement moins que les importations. Au total, l’excédent commercial s’est établi à 23 Mds €, après +33 Mds € en 2016 et 5 années de déficit depuis Fukushima. La structure des exportations reste stable, composée essentiellement de biens à forte valeur ajoutée (automobiles, machines liées à la production d’énergie et de semi-conducteurs notamment). Les importations sont composées à 21% d’hydrocarbures – la hausse des prix du pétrole explique ainsi l’essentiel de la croissance des importations en valeur. Le Japon importe également de plus en plus d’appareils électriques, des produits agroalimentaires et matières premières, ainsi que des biens produits par les chaines de production implantées dans le sud-est asiatique. Si les Etats-Unis étaient historiquement le premier client du Japon, la Chine, déjà 1er fournisseur du Japon, est sur le point de les dépasser. Enfin l’administration Abe peut se féliciter des succès de sa politique d’ouverture aux échanges et de conquête de nouveaux marchés, qui a permis au pays de signer deux accords commerciaux majeurs en 2017-2018 (APE UE et CTPP) et de conserver son excédent courant colossal.

 

1. Nouvel excédent commercial en 2017, confirmant la robustesse des exportations japonaises

En 2017, les exportations japonaises de biens comptabilisées par le ministère japonais des Finances (MOF) affichent un total de 78 290 Mds de JPY (~620 Mds €), soit une hausse en valeur de 11,8% par rapport à 2016. Outre la reprise du commerce mondial (+3,6% en 2017 selon l’OMC après 1,3% en 2016), les exportations japonaises ont également profité de la dépréciation du yen (rendant les exportations plus compétitives et augmentant mécaniquement les recettes en valeur des exportations). Les exportations de machines et équipements de transport ont été particulièrement performantes en 2017, accusant la plus forte contribution à l’excédent commercial. Toutefois, les importations ont progressé plus rapidement encore : de 14,1% en valeur sur la période, atteignant un total de 75 380 Mds JPY (~595 Mds €) (cf – Annexe 1). Cette hausse procède essentiellement du renchérissement de la facture énergétique lié à l’augmentation des prix du pétrole. Le prix moyen du baril de pétrole qui était de 40,8 US$/baril en 2016 (son plus bas niveau depuis 2005) a atteint 52,4 US$/baril en 2017 (et 66,9 US$/baril en janvier 2018). Au total, le solde de la balance commerciale des biens s’est légèrement dégradé par rapport à 2016, perdant 10 Mds € pour atteindre 2 910 Mds JPY (~23 Mds €). Il reste néanmoins nettement positif, tranchant avec les années post- Fukushima .

La robustesse des exportations japonaises se vérifie avec les données consolidées du commerce extérieur de biens et services en volume (c’est à dire à prix constant 2011) qui montrent également une forte croissance des exportations de 6,8% en 2017 après 1,3% en 2016 (cf. Annexe 2). Cette solidité des exportations relève également d’une certaine viscosité des prix à l’export en raison du choix des exportateurs japonais de facturer l’essentiel des contrats d’exportations en devises, particulièrement en dollar . Cette pratique historique permet de protéger les pays importateurs du risque de change en garantissant une certaine stabilité des prix. Elle s’avère de plus avantageuse pour le Japon en période de dépréciation du yen, augmentant les recettes à l’export (cf. Annexe 3). Bien que ces contrats en monnaie étrangère soient rarement renégociés, l’année 2016 a fait figure d’exception. Les exportateurs ont en effet choisi d’augmenter (avec un certain retard) les prix pour répercuter la forte appréciation du yen . Les prix à l’export sont restés élevés tout au long de l’année 2017, en dépit de la nouvelle dépréciation du yen en 2017, conférant des gains à l’export significatif pour les entreprises japonaises.


 2. En 2017, 57% des exportations japonaises se destinent à seulement 5 économies

En 2017, 57% des exportations japonaises de biens en valeur (14,3% du PIB) se dirigent vers seulement 5 économies : les Etats-Unis, la Chine, la Corée du Sud, Taïwan et Hong Kong. L’Europe n’achète que 11,6% des exportations japonaises, bien que ce montant croisse régulièrement depuis 2013 (cf – Annexe 3):

  • Le premier client des exportations japonaises reste de loin l’Asie (55% du total en 2017) avec une progression des exportations proche de 20% pour l’Indonésie, la Chine (19% des exportations japonaises, et 30% en incluant Hong-Kong et Taïwan), le Vietnam et Singapour.
  • Le 2ème client des exportations japonaises, l’Amérique du Nord (21% des exportations totales), dont principalement les Etats-Unis (1er client du Japon en tant que pays)
  • Les exportations vers l’Europe qui étaient les seules à progresser en valeur en 2016 en dépit de l’appréciation du yen, progressent à nouveau de 11% en 2017. L’Allemagne reste le principal client européen du Japon suivi par le Royaume-Uni et les Pays-Bas. La France vient en 4ème position et a augmenté ses achats auprès du Japon de 8% en valeur .

 

3. 63% des produits exportés sont des machines et équipements, particulièrement des automobiles et des machines liées à la production d’énergie et à la fabrication de semi-conducteur.

La structure sectorielle des exportations est largement dominée par les machines et équipements (61% du total) et plus particulièrement par les exportations de matériel de transport (23% soit 144 Mds €) et de machines (124 Mds € dont principalement des générateurs d’énergie et semi-conducteurs) (cf – Annexe 7). L’analyse du sous-secteur des matériels de transport montre que le Japon exporte essentiellement des véhicules finis (57%) et des composants de véhicules à moteur (21%) (cf – Annexe 6 bis). C’est d’ailleurs près de la moitié (49% en 2017) de la production automobile japonaise qui est destinée à l’export (cf – Annexe 4), et de plus en plus à destination de l’Union européenne (cf – Annexe 5). Parmi les machines et équipements près de 85% des équipements électroniques produits au Japon (~ 94 Mds €) sont exportés. Les machines représentent de plus le 2ème poste des exportations japonaises, et affichent une plus grande diversité que les équipements de transport : 17,5% de machines de production d’énergie, 16 % de semi-conducteurs, 10% de machines de bureaux, 8% de pompes et centrifugeuses, 7% de machines de construction et 7% de machines pour le travail du métal.

Les machines (20% du total des exportations) ont constitué le 1er contributeur à la hausse en valeur des exportations en 2017 (3,0 pp sur les 11,8% de hausse), grâce notamment aux exportations massives de machines utilisées dans la production de semi-conducteurs (+32%). Le dynamisme de l’industrie des semi-conducteurs a également bénéficié au poste des appareils électriques (17,5% des exportations) dont la contribution à la hausse des exportations totales s’est élevée à 2,0 pp (exports des circuits intégrés essentiellement).

Parmi les petits postes d’exportation on retrouve les produits alimentaires. Malgré la faible productivité du secteur agricole japonais, qui explique la faiblesse des volumes exportés (environ 5,1 Mds EUR et moins de 1% du total des exportations), de nombreuses initiatives sont en place pour encourager l’export. Ce poste d’exportation était parmi les rares postes en croissance en 2016 (+1,5%) et a cru de nouveau en 2017 (+6,1%), soit une progression totale de 48% depuis 2013. Pour développer ses exportations agroalimentaires le Japon s’appuie particulièrement sur son softpower, la notoriété de sa gastronomie, son réseau mondial de restaurants (près de 100 000), et sur la promotion de produits sous indications géographiques .


4. L’Asie reste de loin le 1er fournisseur du Japon, suivi de l’Europe puis des Etats-Unis. Les importations depuis le Moyen orient arrivent en 4ème position en raison de la dépendance aux énergies fossiles

En 2017, les importations japonaises ont augmenté de 14,1%. L’Asie reste de loin le 1er fournisseur du Japon, représentant 49% de ses importations, celles-ci ayant progressé de 11,5% en 2017. Parallèlement, l’Europe se maintient au rang de second fournisseur du Japon avec 12,5% (~9 420 Mds JPY) des importations japonaises totales, légèrement devant l’Amérique du Nord depuis 2016 (12,4%). Les importations depuis l’Amérique du Nord proviennent essentiellement des Etats-Unis (10,7% des importations totales) (cf – Annexe 3).
Les importations en valeur depuis le Moyen Orient (11% du total) ont également nettement progressé (+ 27%) en 2017, en raison de la remontée des cours du baril de Brent. Elles expliquent 5,7 pp de la hausse totale des importations (14,2%). Le pays reste néanmoins vulnérable à la volatilité des prix et a vu ses termes de l’échange se dégrader en 2017 avec la hausse du prix des hydrocarbures (cf – Annexe 8, point 4).

 

5. Les importations se composent d’abord de combustibles minéraux, de plus en plus d’appareils électriques et de produits agroalimentaires & matières premières

La structure sectorielle des importations est dominée par les combustibles minéraux qui représentent 21% du total des importations en valeur (cf – Annexe 6).

  • Les importations de combustibles minéraux participant de l’élaboration du nouveau mix-énergétique du Japon à horizon 2030 se composant à 33 % de pétrole, 18 % de gaz naturel liquéfié et 25% de charbon. En 2012, après l’arrêt des centrales nucléaires en raison de l’accident de Fukushima (mars 2011), les importations de pétrole et de gaz naturel liquéfié atteignaient respectivement 17% et 8,5% des importations totales. Aujourd’hui , la part des hydrocarbures dans les exportations est revenu à son niveau d’avant crise, soit 9,5% du total pour le pétrole et 5,2% pour le GNL en 2017 (cf – Annexe 6bis). En effet, malgré une nette dominante des énergies fossiles (76% du mix 2030), le Japon a fait le choix de s’appuyer sur une politique ambitieuse de développement des technologies de maîtrise de l’énergie, l’objectif fixé étant une augmentation de 35% de l’efficacité énergétique par rapport au niveau de 2013, et de déploiement accéléré des énergies renouvelables. La part visée d’énergie renouvelable est de 22-24% au sein du mix électrique et 14% dans le mix énergétique d’ici 2030. Le nucléaire devrait représenter encore 11% du mix en 2030 (il est actuellement de 2%).
  • Le second plus gros poste des importations est celui des équipements électriques (16% du total en 2017) contribuant à 1,9 pp de la hausse des importations totales. En effet les importations de ses principales composantes – d’abord la téléphonie mais aussi les circuits intégrés des semi-conducteurs - ont augmenté de respectivement 14,2 % et 18,4% en 2017. Les importations de smartphones (80% du poste de téléphonie) ont fortement progressé en fin d’année 2017 , et proviennent à près de 90% de la Chine (Huawei, ZTE). Les constructeurs asiatiques d’infrastructure de téléphonie mobile supportant la 5G, principalement Samsung, Huawei et ZTE, se positionnent pro-activement en vue de de l’introduction de la 5G pour les JO 2020 au Japon.
  • Le reste des importations est composé de produits agroalimentaires et de matières premières (15% des importations totales, 93 Mds € et une contribution à la hausse des importations de 2,1pp). La France est en 2017 le 10ème fournisseur du Japon pour l’ensemble produits agro-alimentaires, boissons et tabac. L’industrie agroalimentaire française réalise ainsi près de 20% de son excédent à l’export au Japon (cf – Annexe 7).

 

6.Succès de la stratégie d’ouverture commerciale des Abenomics : délocalisations et conclusion de méga-ALE

Le processus de délocalisation de la production japonaise en Asie, accéléré par le yen fort entre 2008 et 2012, se poursuit en 2016. Selon la 29éme enquête de la Japan Bank for International Cooperation (JBIC) , pour l’année fiscale 2017 le ratio de délocalisation de la production à l’étranger devrait passer à 35,4% (cf – Annexe 8, point 2). Ce ratio devrait grimper à 38,5% en FY 2018 selon les projections. Malgré un engouement légèrement moins fort que l’année précédente, 72,1% des entreprises interrogées en 2017 répondent chercher à renforcer ou étendre leurs activités à l’étranger. La Chine devient également, et pour la 1ère fois depuis 5 ans, le pays jugé le plus prometteur à moyen terme par les entreprises interrogées (devant l’Inde qui se maintenait jusqu’ici à la première place). L’initiative « One Belt, One Road » chinoise (programme géant de construction d’infrastructures) et la « Stratégie d’Espace Indopacifique libre et ouvert » japonaise dont l’Inde constitue l’un des pays-piliers contribuent aux résultats de ces enquêtes.

Ainsi une partie non négligeable de la production japonaise n’est plus exportée depuis l’archipel et l’enquête relève également la montée en puissance d’une stratégie de délocalisation de la production qui ne viserait pas qu’à diminuer les coûts de production, mais également à se rapprocher des marchés locaux. En effet, le ratio de ventes à l’étranger est passé à 39,2% en FY 2017 (contre 38,5 en FY 2016).

Cette division internationale de la production a été facilitée par la conclusion d’ALE au cours de la décennie 2000-2010 (11 des 18 ALE signés ou entrés en vigueur). Le Japon a négocié des ALE bilatéraux avec des pays en développement du sud-est asiatique en échange d’un accès souvent limité à son marché domestique.

L’un des objectifs majeurs de la 3ème flèche des « Abenomics » mis en place depuis 2013 est d’intégrer fortement le Japon au commerce mondial en négociant des accords de libre-échange de très grande échelle (« méga-ALE »). L’objectif du gouvernement est de maximiser la couverture des échanges de 23 à 70 % d’ici 2018. Si l’Administration Trump avait ratifié le TPP, cette part aurait été portée à 39,5%. Le revirement américain a conduit le Japon à redéfinir ses priorités et à se reporter sur les négociations de l’APE avec l’UE et du TPP avec les 11 pays restants. L’APE UE-Japon, partenariat économique le plus ambitieux jamais négocié par l’UE, a ainsi été conclu le 8 décembre 2017 (entrée en vigueur prévue début 2019). En parallèle, le Japon a repris le leadership des négociations sur le TPP avec les 11 membres restants (CTPP), permettant la conclusion aussi rapide qu’inattendue d’un texte final au Chili le 8 mars 2018. Ces deux succès majeurs de l’administration Abe sur la politique commerciale devraient faire passer le taux de couverture des échanges à 35% à l’entrée en vigueur de ces accords. Par ailleurs, les initiatives régionales en cours (RCEP ASEAN 6 et trilatérale Chine -Japon-Corée dite « CJK FTA ») progressent difficilement sur fond de divergences fortes entre les pays, tant en termes d’ambition que de priorités. Les pays du RCEP affichent malgré tout un objectif de conclusion à fin 2018 et la 7ème édition du sommet trilatéral CJK s’est tenu à Tokyo le 9 mai 2018 (après 3 ans d’interruption). Le gouvernement Abe met également en avant sa nouvelle stratégie régionale Indopacifique, concurrente de l’initiative chinoise OBOR, avec le soutien des Etats-Unis et de l’Inde.


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1. L’économie japonaise reste une économie très orientée à l’export, qui a bénéficié de la reprise du commerce et du cycle économique mondial en 2017.
2. La dépréciation du yen (qui s’estompe néanmoins du fait du yen valeur refuge) a bénéficié à la marge aux exportations. La conjoncture économique mondiale, la délocalisation de la production et le degré de différenciation des biens ont toutefois sensiblement plus d’effet sur le commerce extérieur du Japon que le niveau du yen.
3. La Chine, 1er fournisseur du Japon, pourrait bientôt dépasser les Etats-Unis au rang de 1er client, et le fait déjà (25% des exportations japonaises) si l’on inclut Hong-Kong et Taiwan. L’Europe reste le 2ème fournisseur du pays et sa part pourrait encore s’accroître avec l’entrée en vigueur de l’APE UE-Japon conclus fin 2017.
4. Dans un contexte de regain des pressions protectionnistes et des risques de « guerre commerciale », les succès de la stratégie d’ouverture des Abenomics garantissent un environnement favorable aux exportateurs japonais.

 

 

 

 

ANNEXES : 

 

Annexe 6

Annexe 1-2Annexe 3Annexe 3Annexe 4

Annexe 5AnnexeA7A7bis

A8

A8b