Le gouvernement a validé en Avril 2013 la réforme du marché de l’électricité japonais : (i) instauration d’une entité nationale de gestion du réseau électrique en 2015, (ii) libéralisation, au 1er avril 2016, de la vente aux particuliers ce qui libéralise la totalité du marché de l’électricité et signifie la fin de dix monopoles régionaux (iii) séparation des opérations de production, de distribution et de vente qui a été repoussé de 2018 à 2020. Cette réforme est une des principales évolutions d’un marché de l’électricité japonais qui a été fortement bousculés  par les suites de l’accident de Fukushima. En effet ces perspectives d’ouverture du marché ont vu l’émergence (i)  de nouveaux acteurs venant soit d’autres secteurs de l’énergie (notamment du gaz) ou d’autres secteurs économiques (télécommunication) (ii) de nouvelles opportunités notamment dans les énergies renouvelables.

1. La mise en place de la réforme de l’électricité

La réforme du marché de l’électricité doit remédier à trois problèmes : (1) une absence de système permettant de fournir de l’électricité au-delà des régions, (2) une concurrence faible voire inexistante et un stricte contrôle des prix, et (3) des difficultés à s’adapter au mix énergétique qui prévoit une augmentation du recours aux énergies renouvelables. Intervenu au 1er avril 2016, la libéralisation de la vente d’électricité aux particuliers (37 % du marché) est la deuxième des trois étapes de la réforme du marché de l’électricité.

1.1  L’instauration d’un réseau électrique national

OCCTOEn Avril 2015, l’OCCTO (Organization for Cross-regional Coordination and Transmission Operators) a officiellement démarré son activité. L’objectif de cette organisation est de développer les systèmes de transport et de distribution au-delà des régions, et renforcer, au niveau national,  la capacité de répondre et d’ajuster la demande en fonction des fluctuations de l’approvisionnement. Cette meilleure interconnexion est aussi un cadre nécessaire à un développement important des énergies renouvelables où les principaux sites ayant de grand potentiel de production sont éloignés des grandes aires de consommation. Le Switching Support System (SSS) a été mis en œuvre le 1er Mars 2016. Ce système opère les changements au sein des réseaux de distribution et de transport afin de permettre à de nouvelles compagnies d’intégrer le marché de l’électricité. Ce système a également un rôle informatif et doit reporter les changements intervenant dans le réseau.

1.2  La séparation des opérations de production et de distribution de l’électricité

Initialement, l’objectif était d’opérer la séparation entre 2018 et 2020, mais le gouvernement a décidé de commencer la mise en œuvre de la dernière phase de la libéralisation en 2020. Seul TEPCO, dont le METI est toujours l’actionnaire majoritaire, anticipera cette échéance. Cette décision prend en compte la situation délicate des compagnies régionales dont les finances ont été affaiblies depuis l’accident de Fukushima. Deux lois ont été élaborées par le gouvernement japonais afin de finaliser la libéralisation du marché de l’électricité. Cependant, ces deux lois contiennent une clause qui permettrait de retarder l’étape finale de la dérégulation si les conditions de sa mise en place sont défavorables aux compagnies EPCO.

2. L’émergence de nouveaux acteurs dans un marché de l’électricité aujourd’hui totalement libre

La libéralisation du secteur de l’électricité japonais, qui  prend effet le 1er Avril 2016, va marquer le début d’une nouvelle concurrence avec l’arrivée de près de 260 nouveaux acteurs proposant des prix bas assortis d’avantages dans un marché longtemps protégé. Bien que le marché soit évalué à 8 trillions de yens (environ 62 milliards d’euros[1]) par an, et concerne seulement 37% du marché total de l’électricité, un bouleversement majeur est en cours car il signifie la fin de monopoles régionaux. Les nouveaux entrants cherchent aussi à se diversifier dans le marché de la vente aux industriels qui était pourtant déjà dérégulé.

2.1 Les grandes compagnies gazières s’invitent dans le marché de l’électricité.

Tokyo Gaz propose par exemple à sa clientèle des réductions sur les consommations d’électricité et assure qu’un ménage composé de trois personnes peut économiser jusqu’à 10 000 yens par an. La compagnie gazière a déjà obtenu plus de 150 000 contrats avec des clients souhaitant quitter TEPCO. Même si ce chiffre représente moins d’1% des utilisateurs à Tokyo, Tokyo Gaz a l’intention de proposer ses services à sa clientèle existante qui compte 1 million de consommateurs.

A Osaka, la compagnie gazière Osaka Gaz a conclu 60 000 contrats de distribution d’électricité. La compagnie de gaz prévoit de former un partenariat avec l’opérateur téléphonique NTT Docomo afin de vendre à la fois de l’électricité et des services téléphoniques aux ménages à partir du début de l’année fiscale 2016, le 1er avril.

2.2 De nombreux groupes, allant des compagnies de télécommunication aux constructeurs automobiles, ont également manifesté leur intérêt pour le marché de l’électricité en initiant des offres couplées. 

JX Nippon Oil & Energy propose une offre d’un yen par litre d’essence aux consommateurs d’électricité payant par carte et compte déjà plus de 70 000 clients. De son côté, le groupe Jupiter Telecommunications, premier opérateur de câble au Japon, propose une réduction de plus de 10%, par rapport aux prix proposés par TEPCO, aux clients qui payent à la fois pour le câble et l’électricité.

Enfin, le groupe Softbank, qui veut devenir un leader du marché des énergies renouvelables, a mis en place un plan permettant de fournir de l’électricité provenant de ressources renouvelables à des prix comparables à ceux proposés par les compagnies électriques régionales et espère attirer une clientèle concernée par l’environnement.

2.3 Les compagnies électriques régionales ont commencé à former des alliances afin de faire face à l’entrée de nouveaux acteurs et la perte de clients qui en résulte.

Tokyo Electric Power se prépare à vendre des forfaits incluant de l’électricité et des services de télécommunication en partenariat avec l’opérateur téléphonique Softbank, et envisage également d’intégrer le marché du gaz en formant des alliances avec des groupes gaziers tels que Nippon Gaz et Tokai Holdings. Dans la même optique, la compagnie Kansai Electric prévoit de faire équipe avec le groupe télécom KDDI.

3. Des investissements croissants dans le secteur des énergies renouvelables

Parallèlement à cette évolution du marché de la vente d’électricité, l’instauration d’un Feed In Tarif particulièrement avantageux a initié un mouvement important dans le domaine des énergies renouvelables principalement dans le photovoltaïque avec près de 80 GW qui ont été autorisés par le METI. Cette émergence de projets, même si elle ne s’inscrit pas sur du long terme[2], a vu l’émergence de nouveaux acteurs y compris étrangers dans un marché du photovoltaïque japonais devenu un des premiers mondiaux et profite aussi à l’expertise française.

3.1 Les principaux investisseurs japonais dans le secteur des énergies propres.

La compagnie TEPCO a en effet annoncé son intention de former des partenariats avec des entreprises spécialisées dans la production d’énergie éolienne afin de construire des parcs éoliens d’une capacité de production de 1,3 million de KW d’électricité destiné à approvisionner la zone desservie par TEPCO.

A noter aussi l’initiative regroupant institution publique et secteur privée visant à faire de la zone de Fukushima un fournisseur d’électricité issu des énergies renouvelables pour la région de Tokyo. 1

Le groupe Softbank prévoit de son côté de vendre de l’électricité générée à 60% par des ressources renouvelables et possède déjà 31 sites de production au Japon, dont certains en construction.

Le groupe Orix va dépenser un peu plus de 100 milliards de yens (874 millions de dollars) sur deux ans dans la construction de centrales photovoltaïques au Japon afin de tirer profit de la hausse de la demande dans le secteur des énergies renouvelables.

3.2 Opportunités pour l’expertise française dans les énergies renouvelables

Le groupe français Total a annoncé en Mars 2016 son intention d’intégrer le marché japonais des énergies renouvelables avec la construction d’une grande centrale photovoltaïque dont l’exploitation doit commencer en 2017. Total, SunPower et le groupe Ise Foods vont exploiter la centrale ensemble, chacun investissant dans le projet une somme approximative de 10 milliards de yens (environ 88 millions de dollars).

Cette position de Total, intervient après plusieurs implantations françaises profitant de l’évolution du marché japonais à l’instar d’Energy Pool[3] (effacement de la consommation d’électricité industrielle), Ciel et Terre[4] (photovoltaïque flottant), Ideol[5] (Eolien Flottant) ou Veolia (biomasse). Bouygues Energies Nouvelles (photovoltaïque), voire DCNS (courant marin) devraient également faire leur entrée au sein du marché japonais des énergies renouvelables.


[1] Taux de change EUR/JPY = 0.0078100 ; 01/04/2016

[2] Les tarifs de rachat devraient baisser de moitié 2019

1 : Un conseil réunissant des acteurs du secteur public et privé s’est tenu à Fukushima le 26 Mars 2016. Le rôle de ce conseil est de mettre en place des initiatives visant à transformer la préfecture de Fukushima en pôle de production d’énergies renouvelables.  Le conseil de Fukushima va élaborer un plan d’action cet été afin de promouvoir la construction de parcs éoliens à Fukushima (dont le but serait d’approvisionner la ville de Tokyo) et la production d’hydrogène destiné à alimenter les véhicules hybrides.

Des agents du METI et de la préfecture de Fukushima, des membres des groupes TEPCO et Tohoku Electric Power, ainsi que des représentants d’industries éoliennes étaient présents à la première réunion du conseil et ont discuté du plan d’action qui sera mis en place cet été afin de développer les énergies renouvelables.

[3] Energie Pool dont Schneider Electric est l’actionnaire majoritaire, développe une activité commerciale d’effacement de la consommation après un projet de démonstrateur, financé par le METI, en partenariat avec les groupes Sojitz et TEPCO

[4] La technologie de Ciel et Terre, solaire flottant sur eau douce, est maintenant développée sur plusieurs projets dont la plus grande centrale solaire flottante du monde.

[5] Le groupe spécialiste de l’éolien en mer flottant réalise, pour le compte du groupe japonais leader de l’éolien en mer, Hitachi Zosen, les études d'ingénierie pour deux démonstrateurs flottants qui seront installés au large.